Lectures d’œuvres portugaises

Lectures d’extraits de trois œuvres contemporaines

avec les acteurs de Dans la mesure de l’impossible : Adrien Barazzone, Beatriz Brás, Baptiste Coustenoble, Natacha Koutchoumov

 

Trois doigts au-dessous du genou de Tiago Rodrigues,
traduction Thomas Resendes

 

Avec silencieux de Jacinto Lucas Pires,
traduction Marie-Amélie Robilliard

 

Le Collier de Sophia de Mello Breyner,
traduction Marie-Amélie Robilliard

 


lundi 10 octobre 2022 – 18h30

Odéon 6e

Le Collier de Sophia de Mello Breyner (2001)
 

Sophia de Mello Breyner (1919-2004) est une des grandes plus poétesses portugaises du XXe siècle. En 1999, elle a été la première femme à recevoir le prix Camões, la plus haute distinction attribuée à une personnalité de langue portugaise. Elle a écrit des poèmes, des contes et des nouvelles. Le Collier et O Bojador (éditions Caminho puis Assírio & Alvim) sont ses deux seules pièces de théâtre mais elle a traduit plusieurs chefs-d’œuvre du patrimoine dramatique mondial (Euripide, Shakespeare, Claudel).

Comme toutes les grandes œuvres pour la jeunesse, Le Collier s’adresse à tous. On y retrouve la langue sensuelle de l’autrice et sa méditation sur l’existence humaine où coexistent la beauté absolue et son inexorable disparition. Dans la Venise mythique du début du XIXe siècle où affluent les richesses du monde entier, Vanina est éprise de Pietro Alvisi, chanteur de sérénades, mais son tuteur veut la marier à un austère commandeur. L’action de cette pièce aux allures de comédie vénitienne pourrait sembler légère et jouée d’avance mais il n’en est rien. La fougueuse Vanina n’épousera pas le commandeur mais elle vivra son premier chagrin d’amour, comme l’avaient vécu avant elle la très vieille comtesse Zeti et le poète Byron, son ami, qui commentent les aventures de la jeune femme à la fin de la pièce, avec mélancolie mais sans amertume.

Traduction de Marie-Amélie Robilliard avec le soutien de la Maison Antoine Vitez.

 

Avec Silencieux de Jacinto Lucas Pires (2008)
 

Né en 1974, Jacinto Lucas Pires est l’un des auteurs les plus talentueux de sa génération. Il a écrit des chroniques, des scénarios, des contes, des romans et des pièces de théâtre. Il a reçu le Prix Europa – David Mourão-Ferreira (2008), le Grand Prix de Littérature DST (2013) et le Prix John Dos Passos en 2021. Plusieurs de ses textes ont été traduits et/ou joués en français : Figurants (Les Solitaires Intempestifs, 2008) ; Sagrada Familia (Chantiers d’Europe 2013) ; Interprétation (Mousson d’Été, 2019). Dans ses pièces (éditions Cotovia), il dépeint, avec un humour souvent sarcastique, les mécanismes insidieux qui conduisent l’être humain vers sa propre déshumanisation. Le pouvoir du langage y est exploré avec beaucoup de finesse.


Avec Silencieux met en scène deux policiers, l’un expérimenté, Santos, et l’autre novice, Manel, qui enquêtent sur un assassinat dans un monde légèrement futuriste. Le spectateur apprend très vite que l’auteur du crime n’est autre que Santos : le policier a obéi aux ordres de la « Voix », instance mystérieuse qui représente les autorités de la société répressive qui sert de cadre à l’action. L’enquête avance lentement, au gré des interrogatoires et des dialogues remplis de non-dits, Santos usant de l’ascendant qu’il a sur Manel pour brouiller les pistes. Il s’agit notamment d’en savoir plus sur Linda, petite amie de la victime qui se présente comme un mannequin de l’Est. Les ingrédients du film noir sont réunis ici mais rien n’est à prendre au premier degré, l’auteur nous livrant une image sombre mais non dénuée d’humour du cynisme contemporain.

Traduction de Marie-Amélie Robilliard avec le soutien de la Maison Antoine Vitez.

 

Trois doigts au-dessous du genou de Tiago Rodrigues (2013)
 

Auteur, metteur en scène, « auteur en scène », fondateur de la compagnie Mundo Perfeito, directeur du Teatro Nacional Dona Maria II entre 2014 et 2022, Tiago Rodrigues a été nommé directeur du Festival d’Avignon, fonction qu’il assume depuis le 1er septembre 2022. Grâce à lui, le théâtre portugais est devenu une réalité connue du monde entier. Dans son œuvre, il questionne la capacité de l’art – théâtre et littérature – à lutter contre toutes les formes de destruction, qu’il s’agisse d’apprendre des textes (By Heart), de les lire (Bovary et The Way she dies), de les interpréter (Sopro) ou de les réécrire (Iphigénie, Électre, Oreste).

Tiago Rodrigues a écrit Trois doigts sous le genou à partir des archives de la censure, particulièrement hostile au théâtre, qui a sévi au Portugal pendant la dictature fasciste (1928-1974). Il propose un montage ingénieux et ironique des passages des pièces caviardés par les censeurs ainsi que des commentaires qui justifient les coupes. Cette pièce, qui compte des extraits des plus beaux textes du patrimoine mondial, s’apparente à une revanche sur l’histoire, un pied-de-nez aux censeurs transformés, malgré eux, en auteurs dramatiques. Ce spectacle de Tiago Rodrigues a été joué en portugais à Paris dans le cadre des Chantiers d’Europe (2013).

Traduction de Thomas Resendes avec le soutien de la Maison Antoine Vitez